Ambitieuse et engagée, la 45e édition du Festival de la Cité Lausanne se termine aujourd’hui sur un bilan artistique très réjouissant et une fréquentation en hausse par rapport à l’année passée avec 72'000 spectateurs. La géographie imaginée en réponse aux travaux toujours en cours dans la cité a réservé de bonnes surprises aux nombreux curieux, sans toutefois réussir à amadouer les plus attachés au quartier historique.
L’idée de faire circuler le public entre trois sites séparés par une ligne de métro était un pari osé et audacieux. Elle permettait de proposer trois ambiances complètement différentes avec chacune sa programmation dédiée et la possibilité de passer facilement de l’une à l’autre moyennant le coût pas si exorbitant d’un ticket de métro, sachant que le festival est lui, offert. La difficulté, et c’est là que la formule a montré des faiblesses en début de semaine surtout, était de rendre chaque pôle autonome et dense en contenu pour ceux qui ne souhaitaient pas bouger. C’était le cas à La Riponne avec deux scènes à proximité et des spectacles en alternance ainsi que le bar des Marches et une zone pour se restaurer. Toutefois, à La Sallaz et à Ouchy, si les propositions artistiques ont rencontré un très fort succès grâce à un public curieux qui faisait le déplacement, celui-ci repartait souvent à la fin du concert ou du spectacle, ne créant pas cet esprit convivial espéré. Il a fallu attendre le week-end pour qu’une ambiance festivalière s’installe pleinement.
À Ouchy, la scène posée sur le lac était magique, idéale pour démarrer la soirée avec les concerts classiques. Plus tard la musique y était jazzy, afro et s’écoutait au calme. Le concert de la génialissime Juana Molina tout comme la pièce de théâtre L’usage du monde de Dorian Rossel ou encore le Quatuor Parallèle ont magnifiquement trouvé leur public dans cet écrin.
L’envie d’investir la place de La Sallaz tout juste sortie d’une dizaine d’années de travaux pour la reconnecter avec la ville était aussi un défi important et pas gagné d’avance. Ce fut pourtant un succès dès les premiers jours avec un public partagé entre festivaliers curieux, habitants du quartier et connaisseurs. L’espace a été conçu avec un gradin proche d’une scène basse, pour y accueillir des projets plus intimistes comme la puissante pièce de Marta Górnicka, Magnificat ou les concerts de Colin Stetson, Mansfield TYA, Bertrand Belin ou encore Flavien Berger qui a partagé avec le public son admiration devant la qualité artistique du festival et sa fierté d’y avoir été programmé. Autre succès sur les hauts, la scène de la clairière installée à l’orée de la forêt qui malgré sa situation excentrée a affiché complet toute la semaine, réunissant quelque 500 spectateurs par représentation pour les spectacles de cirque La Cosa et Légerdémêlé.
La scène de la Riponne comme celle du GreatEscape a accueilli des propositions plus énergiques et a rassemblé des foules de plus en plus compactes au fil de la semaine. De la danse contemporaine en plein centre d’un festival à une heure de forte affluence ? Encore un défi que le festival s’était lancé et qui a formidablement bien fonctionné avec les danseurs brésiliens de Suave. Les concerts dansants et rassembleurs comme Pat Thomas, Shopping ou Pixvae ont embarqué le public avec eux.
Les deux soirées d’after à Tridel ont également cartonné réunissant plus de 3'000 personnes. Le vendredi, c’est la claque sonore administrée par La Colonie de Vacances qui a attiré les amateurs de sensations fortes venus de toute la Suisse romande pour l’événement alors que samedi c’est un public un peu plus jeune qui s’est visiblement passé le mot pour accueillir comme il se devait Jacques et Larry Gus.
Havre de paix au milieu de l’effervescence du festival, le Garden State installé toute la semaine sous l’arche du pont Bessières a connu un joli succès grâce aux Lausannois qui se le sont largement appropriés. Lieu de détente pour lire, se reposer, boire un verre, assister à des conférences, des concerts, des cours de yoga, c’était la bouffée d’oxygène quotidienne avant d’attaquer la course aux spectacles!
Le stand info Jingle 45 disposé devant la cathédrale tenu d’une main de maître par les artistes Julie Semoroz, Cerise Rossier,Jérémy Chevalier et Thomas Perrodin a agi comme transformateur d’émotions. Avec tout le second degré et le talent qu’on leur connaît, les artistes avaient la difficile mission d’informer les passants, mais aussi d’entendre les critiques puis de les transformer en positif. Un monsieur très virulent à l’encontre de la formule choisie cette année par le festival qui quelques minutes plus tard repart avec le coeur plus léger et un T-shirt sérigraphié portant le slogan décalé : « J’ai tout raté au Festival de la Cité », « Je me suis perdu à La Sallaz », « J’ai picolé à la Riponne », « J’étais à la fanzone à Ouchy » en est un bel exemple !
Outre les critiques parfois gratuites et la tendance générale à vouloir relever les inconvénients plutôt que les succès, voici un florilège de petites phrases ironiques piochées à gauche à droite et de témoignages reçus :
« Il manquerait plus qu'à demander le remboursement des invitations gratuites… » https://www.youtube.com/watch?v=wVCvsQN6hlk
« Avec le demis tarif (pour ceux qui n'ont pas l'abonnement) un billet journalier coûte 6.90 et 9. - plein si je ne me trompe pas. C'est pas cher payé, je trouve, pour découvrir des performances tjrs gratuites.... et dans un axe très large. »
« ... je me souviens avoir entendu de multiples plaintes agacées qu'à la cité il n'y a pas de place pour les poussettes et ne pas avoir accès aux scènes de part la très grande affluence... je trouve les lausannois grincheux, capricieux, frileux et désespérément fermés. »
« Je suis triste de réaliser qu'une grande partie du public lausannois ne s'intéresse qu'à ses habitudes conservatrices et refuse le changement malgré la qualité de la programmation et de l'organisation fluide… » « Il y a des travaux. (Étrange de devoir le dire à chaque fois.) »